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Steff Tej et Ejectés - "Nous nous sommes exportés hors du Limousin"
Formation incontournable de la scène limougeaude, Ejectés trace son sillon depuis 1/4 de siècle. Mais ce combo attachant ne serait rien sans son auteur, chanteur et guitariste, Steff Tej. A l'occasion des 25 ans du groupe, Steff nous relate, entre autres, le contexte dans lequel les Ejectés sont nés.
Te souviens-tu quand et dans quel contexte, les Ejectés sont apparus sur la scène hexagonale ?
En pleine révolution rock en France, lors du mouvement punk français et alternatif des 80's. Ce n’était pas un phénomène nouveau car de nombreux groupes avaient préparé le terrain depuis pas mal d’années. La Souris, Oberkampf, OTH, tous les groupes "chaos en France". Mais durant les années 1980-90, le mouvement a explosé avec les Bérus, Dirty District, Babylon Fighters et beaucoup d’autres. C’était également l’émergence des labels indépendants. Toutes proportions gardées, on peut comparer l’explosion du punk français à celle du punk anglais, mais dix ans plus tard. De mon coté, je traçais déjà la route avec justement un groupe punk depuis quelques années. Mais après une hospitalisation de plusieurs mois, j’ai décidé de faire autre chose, en y mettant tout ce qui me plaisait, le punk bien sur mais également le ska, le reggae, la soul, le rythm’n blues, et le rap qui démarrait juste à cette période et était pour moi le mouvement le plus intéressant depuis la révolution punk. Le contexte social et politique de l'époque était, quant à lui, assez dur. En effet, en 1998, l'année de naissance des Ejectés, la guerre froide était encore d'actualité. Le mur de Berlin tombera seulement l'année suivante. Reagan puis Bush père se succédaient à la tête des États-Unis. Même si Gorbatchev semblait de son côté vouloir réformer l'Union Soviétique et ses "satellites" (Pologne, RDA, etc.), la guerre en Afghanistan, hélas, se poursuivait. Cette dernière sera suivie par la première guerre du Golfe en 1990. Plutôt tendu donc comme période, mais plus ou moins qu’aujourd'hui ? En tout cas différente. En France, c'était également le second mandat de Mitterrand et concernant le monde de la musique, le démarrage d’un nouveau support : le compact disc ou CD.
Actuellement ta formation se limite à un trio : un choix délibéré ou une évolution naturelle ?
J'avais besoin de me ressourcer, de faire plus de musique et moins de management, d’avoir un nouveau challenge à relever. Durant 20 ans, j'ai joué avec une grosse formation et je n'ai aucun regret. J’avais alors le désir de travailler comme cela, mais je commençais à tourner en rond. J’avais fait le tour de la question, en termes de création, de production, de tournées mais aussi humainement. Car un nombre important de musiciens multiplie les joies sur scène mais aussi les problèmes. Le fait depuis de me retrouver dans un trio a été une véritable respiration pour moi, un renouveau. Pour preuve, la production d’albums : de 1988 à 1998, nous avons enregistré un album tous les trois, quatre ans. Depuis la formule trio, nous en sortons un chaque année : To the Roots en 2010, Nus en 2011 et Dr Rocksteady en 2012. Et ce malgré un carnet de concerts chargé, en France, Angleterre, Pologne, République Tchèque et Canada, ces trois dernières années. Enfin, concernant ce changement de structure, il y a également le critère financier à prendre en compte. La musique est notre boulot et à neuf, dix artistes cela devenait intenable. J’ai eu de la chance en quelque sorte car mes nouveaux besoins artistiques ont correspondu à la réalité économique actuelle. Mais il nous arrive, parfois, d’être rejoints par un clavier ou des cuivres.
Peux-tu nous présenter tes nouveaux complices et leur parcours musicaux avant de te rejoindre ?
Non, ce sont principalement des repris de justice, certains sont mêmes recherchés par Interpol. Ils me demandent donc la plus grande discrétion concernant leurs C.V. et leurs activités passées, présentes et futures… :-) Ndlr : cachotiers !!!
Parle-nous du récent album Dr Rocksteady et de sa singularité par rapport aux opus précédents.
Docteur Rocksteady est comme son nom l’indique, musicalement centré sur le rocksteady, une musique jamaïcaine des années 60, même si l’interprétation en reste très personnelle. C’est un album assez doux, malgré la poussée de fièvre de titres comme Stop the world ou le comique Pas crédible. Nous avons mis également des cuivres sur les chansons Docteur Rocksteady ou Jamaïcain Stylee, de l’orgue sur l’ensemble des titres et même un peu de violon. J’ai pris beaucoup de plaisir a enregistrer cet album, un sentiment je pense partagé par l’ensemble des protagonistes. C’est assez étrange car la réalisation d’un album c’est un peu toujours la même chose et en me temps à chaque fois complètement différent. Et puis, je me suis fait quelques plaisirs supplémentaires, outre nos compositions, avec une reprise d’un titre de Wreckless Eric que j’écoutais en boucle lorsque j'avais une quinzaine d’années et la reprise d’une chanson de Brassens. Le tout à la sauce Franco-Anglo-Jamaicaine.
Comment organises-tu vos tournées ? Trouves-tu des dates en France et hors de nos frontières ?
On a toujours beaucoup joué et un peu partout. Dès le début du groupe, nous avons eu cette tendance à nous exporter, tout d’abord de notre région, puis du pays. Ces tournées, ces voyages ont toujours été une source de richesse pour le groupe, humainement parlant avec beaucoup de rencontres et de découvertes. J’ai appris énormément de choses sur la route et j’apprends toujours. En plus de la France, nous avons joué dans au moins vingt pays comme : Suisse, Pologne, Espagne, Italie, République Tchèque, Lituanie, Angleterre, Macédoine, Canada, USA, Tunisie, Bulgarie, Serbie, Roumanie, Slovénie, Islande. Chaque tournée a été une expérience inoubliable. De même en France où nous retrouvons, d’un concert à l’autre, des gens nous suivant depuis longtemps, mais également des nouvelles têtes. Nous organisons quasiment tous nos concerts et nos tournées nous-mêmes. Parfois, dans d'autres pays nous sommes relayés, aidés, par des structures locales, des fans et des amis.
Envisages-tu de réaliser un DVD, publier un bouquin retraçant la riche histoire des Ejectés ?
Oui, j'avais envisagé la sortie d’un DVD à l'occasion de nos 15 ans. J'avais commencé à réaliser des interviews d’anciens membres d'Ejectes, de journalistes, d’acteurs de la scène rock et reggae française. C’était au moment où l’on préparait le double DVD Nightklubup avec la tournée Ejectes France, Pologne, Lituanie et le Tribute à The Clash. Mais nous avions tellement de travail sur ce double DVD avec Vincent Nast, le réalisateur, un type formidable et talentueux, que nous nous sommes concentrés dessus, remettant à plus tard le documentaire sur l’histoire du groupe. Peut-être reprendrai-je l’idée, je ne sais pas encore. Nous allons faire quelque chose cette année, pour nos 25 ans, mais ce n’est pas encore défini. Nous devons également tenir compte des budgets disponibles. Quant à un livre, j’y songe depuis longtemps. Jean Pierre Bouteillier de Ska News, voulait s’y mettre cette année, mais le projet est hélas tombé a l’eau. Au final, je pense que je vais l’écrire quand j’aurais le temps. Mais ce n’est pas dans mes projets immédiats. Les concerts et le travail se rapportant au groupe me prennent déjà beaucoup de temps.
Quelle est aujourd’hui la situation de la scène rock, des salles, des disquaires de Limoges ?
Comme partout je suppose, il y a plein de très bons groupes, mais de moins en moins de structures et de salles pour les accueillir, de moins en moins de médias vraiment indépendants et de disquaires pour les diffuser. Et, les grosses machines, les majors du show biz ayant une perte considérable sur le disque reportent leurs investissements sur la scène. Cette situation laisse moins de place aux groupes indépendants et aux artistes qui débarquent. Heureusement, il y a encore beaucoup de bonne volonté chez les différents acteurs encore existants notamment celle de ne pas plier, et la scène reste très vivante. Quant au public encore présent aux concerts, il est assez fidèle. Les gens vont finir par quitter leurs écrans de télé ou d'ordinateur afin de retourner voir des concerts et d'autres évènements. La culture virtuelle est intéressante, mais elle se suffit pas !
Désires-tu transmettre d’autres informations aux lecteurs du Temps Désarticulé ?
Oui, je vais d'abord prêcher pour ma paroisse. Allez consulter notre site : http://ejectes.com/, regardez vidéos. Venez à nos concerts. Parlez autour de vous, de nous, mais également des autres groupes. Utilisons l’interactivité d’Internet afin d’échanger au maximum et de nous retrouver dans des lieux chaleureux. Soyons vivants !« Festival Maloka - Soutien au squat Villa Amalias (Grèce)Festival Vive le Punk - Callac en folie l'été prochain !! (Côtes-d'Armor) »
Tags : Ejectés, Steff Tej, groupe, rock, ska, dub, Limoges, Limousin
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